Sascha le pirate, dernier corsaire anglais
Sascha Sorokine, anglais d’origine moldave,
est arrivé aux Roches avec son bateau pirate voici douze ans.
Depuis, il y coule des jours heureux.
Au port de plaisance des Roches-de-Condrieu, tout le monde connaît Sascha le pirate, le marin mais aussi le kiné qui a massé George Bush senior. Rocambolesque !
«Seul, j’ai traversé l’Atlantique sur un rafiot, il y a… trente-huit ans, de Majorque à la Barbade. C’était une folie.
Depuis, j’ai navigué sur seize bateaux différents avant de jeter l’ancre ici, au port des Roches-de-Condrieu.»
Sascha le pirate est une célébrité dans le port isérois et sa vie rocambolesque touche ici à la légende.
Le vieil anglais partage aujourd’hui son temps entre son appartement londonien et la quiétude du port Rochelois, entretenant avec un malin plaisir son statut d’aventurier au long cours.
«Lorsque j’avais 17 ans, raconte le pirate qui a pris de la bouteille, je suis parti à l’aventure pour visiter Israël et ses kibboutzs afin de retrouver les racines de mes parents, russes juifs.
Pour payer mes voyages, j’ai décidé de pratiquer les massages.»
Et Sascha est devenu le plus grand kiné du monde, le plus célèbre.
Le marin hippie, «mais sans drogue, sans alcool et sans cigarette», précise-t-il dans un large sourire, affirme avoir massé le dos endolori de George Bush père lors d’un voyage présidentiel à Londres, la nuque de Sean Connery et la peau de déesse d’Ava Gardner, Gina Lollobrigida, Pétula Clark ou encore Maggie Smith.
Avoir posé ses mains calleuses de marin sur l’anatomie de la chanteuse Kylie Minogue et soulagé le footballeur George Best à Majorque.
Un impressionnant album de souvenirs atteste, articles de presse et photos à l’appui, de cette fameuse réputation de masseur et de cette vie de bohème.
L’aventurier raconte sa traversée de trois ans à vélo entre l’Egypte et l’Afrique du Sud, avec sa table de massage sur le porte-bagages, ses sept années d’errement en compagnie de son chien, à bord d’un camping-car après la disparition de son bateau, coulé en mer au nord de la France.
Sept ans, le temps d’économiser pour acheter une nouvelle embarcation et repartir au gré des marées. Sa troisième femme, une Suédoise qu’il a initiée au yoga, l’a laissé à ses perpétuels rêves de navigation et son refus d’une vie imposée, pour retourner vivre dans la capitale anglaise.
Lui bichonne son spray insubmersible de douze mètres, le Magpie’s call, peint entièrement en noir, maniaque de la sécurité comme pas un marin :
«Lorsque je traversais l’Atlantique, un coup de vent m’a projeté la voile dans la tête et je suis tombé dans l’océan. Heureusement, j’avais une corde à nœuds de 50 mètres toujours à la traîne. J’ai mis trois heures pour revenir à bord. Depuis, je ne me fie qu’à mon expérience pour ma sécurité.»
Treize pompes pour rejeter l’eau, trois extincteurs, cinq sources d’énergie pour cuire les aliments et autant d’ancres, trente petits jerricans d’eau pour pouvoir faire le plein n’importe où loin des ports, Sascha est devenu prévenant après avoir vu deux de ses bateaux couler, et deux autres partir en fumée. «Il faut avoir vécu des malheurs pour apprendre à s’en prémunir.
Une quittance d’assurance, c’est ridicule lorsque ton voilier prend l’eau en pleine mer !», énonce avec sagesse le dernier pirate anglais, qui avoue ne pas avoir consulté le docteur depuis quarante-cinq ans, ayant toujours affronté les caprices du temps pour affermir son corps.
Ses fréquents séjours sur son voilier noir reconnaissable entre mille, au fil de l’eau, nourrissent encore ses rêves d’évasion : «Depuis cinq ans, mon bateau de pirate est amarré ici, au port des Roches-de-Condrieu.
Quand je reviens d’Angleterre, j’ai le sentiment de revenir à la maison car, à Londres, je suis devenu un étranger dans ma ville natale.
Je dors cent fois mieux ici, sur l’eau, que dans la ville. Et puis l’anneau me coûte cinq fois moins cher qu’en Angleterre et la gare est à cinq minutes à pied.»
Car aujourd’hui, le plus grand plaisir de David Sascha Sorokin est de visiter la France… en train, au départ de sa base iséroise.
La particularité du port de plaisance Rochelois est en effet d’être situé à moins de cinq minutes à pied de la gare. Le pirate descend désormais à la mer par la voie ferrée... même s’il caresse toujours le rêve de relever ses voiles chinoises et de se perdre en Méditerranée, comme jadis !